En sanscrit : Ustra " Chameau" et Asana "posture"
Pour tous les pratiquants de Yoga, il est facile de pratiquer certaines postures, et bien plus difficile d'en appréhender d'autres. Nous avons nos postures "confort" et celles qui nous poussent dans nos retranchements, qui font surgir la peur. Dans ma pratique, il y en a certaines pour lesquelles il a fallu que je me mette des coups de pied aux fesses : j'ai nommé les extensions arrières. Maintenant ça va mieux, merci, mais tout de même, il aura fallu que je me fasse violence.
Du côté des extensions arrière, il y a le choix : traditionnellement, quand on débute, on pratique les extensions arrière sur le ventre, avec le Cobra, la Sauterelle ou encore l'Arc. Mais si j'ai choisi Ustrasana, dont la pratique vient généralement plus tard, c'est parce qu'elle fait peur. Oui peur ! Laisser aller la tête vers l'arrière, au début, ça me faisait complètement flipper, j'avais l'impression que mon cou allait lâcher ( j'ai longtemps eu des problèmes aux cervicales, suite à un accident). L'intensité de l'extension pour la colonne peut elle aussi donner l'impression que l'on va rester coincé(e), que notre dos va se bloquer.
La peur survient aussi car l'ouverture de la poitrine est intense dans Ustrasana : symboliquement, quand on cherche à ouvrir cette partie du corps, siège du coeur, cela signifie que l'on s'ouvre à soi, à l'autre et à l'amour. S'engager dans ce travail peut être source d'angoisse. Que se passera-t-il si je laisse mes complexes au placard, si je m'ouvre à moi-même, si j'entreprends de me réaliser pleinement ? Que se passera-t-il si j'offre mon coeur à autrui ? La possibilité de l'échec peut parfois paralyser, et figé par l'angoisse, on décide de remettre tout ça à plus tard... au risque de passer à côté d'expériences formidables.
Ustrasana ouvre également la porte à d'autres extensions arrière encore plus intenses : cela vaut le coup de persévérer et d'appréhender avec confiance et bienveillance cette posture. Petit à petit, les changements se feront sentir, et le corps s'ouvrira. Il existe plusieurs variations à pratiquer avant la posture complète : les pratiquer progressivement permet de bien comprendre les différentes actions requises dans le corps pour effectuer cet asana en toute sécurité, et en apprécier tous les bienfaits, physiques comme psychologiques.
Ustrasana est une posture exigeante, qui doit être appréhendée progressivement pour permettre au corps de s'assouplir. En cas de problème de dos ( lordose importante, hernie) ou aux cervicales, ou encore de migraines, la posture complète n'est pas conseillée. Cet asana a de nombreux bénéfices : il étire tout l'avant du corps, du dessus des pieds jusqu'à la gorge, renforce les muscles du dos, et ouvre toute la région du coeur.
Ustrasana agit sur l'énergie de Anahata, le chakra situé au niveau du coeur et sur celle de Vishuddha, celui situé au niveau de la gorge. La posture harmonise ces deux centres énergétiques, respectivement associés à deux affirmations : "J'aime" pour le premier et "Je communique" pour le second. "J'aime" d'abord moi-même, puis autrui ; "Je communique" ma vérité, j'ai le droit de m'exprimer et d'être entendu(e). S'ouvrir dans la posture nous invite alors à s'ouvrir à ce chemin qui est le bon pour nous : celui qui nous connecte à nous-même et nous ancre dans l'amour et l'estime de soi, celui qui nous permet de communiquer avec justesse, celui qui nous laisse exprimer notre créativité, celui qui nous rend capable d'écoute, à la fois envers nous-même et autrui.
Pratiquer Ustrasana.
1. Si les genoux sont fragiles, avant de s'installer, plier le tapis ou mettre une couverture sous les genoux pour plus de confort. Ceux-ci doivent être écartés largeur des hanches. Le bassin est dans une position neutre. Les mollets sont parallèles, les pieds dans l'allongement. Il est possible de placer une brique entre les pieds pour éviter qu'ils aillent vers l'intérieur. Les jambes et les fessiers sont contractés : ainsi, le bassin reste en place. On peut allonger ou retourner les orteils, selon sa confortabilité.
2. Dans la posture, l'extension se fait à partir de la cage thoracique. Il est important d'y aller étape par étape, pour ne pas cambrer et protéger le bas du dos. C'est la partie haute du tronc qui doit s'ouvrir.
Tout d'abord, pratiquez la demie posture : mains sur les hanches ou placées doigts vers le haut dans le bas du dos, coudes l'un vers l'autre, inspirez et grandissez la colonne. Le nombril vers la colonne, engagez votre ventre, allongez tout l'avant du corps, et ouvrez le sternum vers le ciel. Maintenez les coudes l'un vers l'autre et rapprochez les omoplates dans votre dos, pour créer l'ouverture au niveau de votre poitrine. En expirant, allez vers l'arrière, ouvrez la cage thoracique et sentez le mouvement dans vos côtes. Ne bougez pas votre bassin, à moins de pousser légèrement le pubis vers l'avant. Maintenez votre tête : souvent en cours, je vous dis d'imaginer que vous avez une minerve : dans la demie posture, la tête n'est pas relâchée vers l'arrière, pour diriger la pratique vers le placement du haut du buste, essentiel pour progresser vers la posture complète.
Gardez toujours votre ventre engagé : ne relâchez pas les abdominaux, a fortiori quand vous sortez de la posture, car ce sont eux qui protègent le bas du dos. Pour remonter, inspirez et en expirant, redressez doucement le haut du dos, la tête toujours maintenue.
Venez vous reposer à genoux. Vous pouvez faire une torsion douce (optionnelle) de chaque côté, avant de venir dans Balasana, la posture de l'enfant, la contre-posture.
3. Si les lombaires sont fragiles, pratiquez la demie posture, et ne forcez pas la posture complète.
Dans la posture complète, les mains sont sur les talons. L'erreur souvent constatée est de baisser le bassin en se penchant vers l'arrière et de compromettre l'alignement du bassin et du buste pour aller mettre les mains sur les talons. C'est "faisable" ( avec beaucoup de guillemets) si les jambes et fessiers ne sont pas désengagés, et à condition de replacer ensuite le bassin à l'aplomb des genoux et de replacer le haut du buste pour que la poitrine soit ouverte au maximum. Si ces actions ne sont pas possibles après coup, c'est que le corps n'est pas encore prêt, donc dans ce cas, il faut revenir à la demie posture.
Pour prendre la posture complète, il faut s'installer dans la demie posture, le bassin en place, la poitrine ouverte. Continuez d'ouvrir progressivement la poitrine puis relâchez les mains qui sont sur les hanches pour les placer sur les talons. Si les orteils sont retournés, les talons seront plus hauts. Ce peut être une option dans un premier temps. Ensuite, si l'on est correctement installé avec le bassin bien aligné, le ventre engagé, le mouvement d'extension arrière bien maitrisé dans la cage thoracique, alors la tête peut être relâchée vers l'arrière. Si vous n'êtes pas à l'aise avec la tête relâchée, car la sensation est intense, gardez-la maintenue.
Les mains, en contact avec les talons, sont actives : il est important de ne pas se laisser tomber. Bien au contraire, il faut pousser dans les mains, activer les bras pour continuer d'ouvrir les épaules, les rouler vers l'arrière pour ramener les omoplates ensemble dans le dos, et conserver le bassin au dessus des genoux.
4. Pour sortir de la posture, allez-y avec beaucoup de précaution.
Si la tête est lâchée, ramenez-la doucement vers l'avant sur une inspiration. Venez placer une main sur le bas du dos, puis effectuer une légère pression avec la main restée sur le talon pour vous redresser sur l'expiration, le ventre, les fesses et les jambes toujours bien engagés.
Asseyez-vous sur les talons, le dos droit, avant de venir poser le front sur le sol dans Balasana, les bras relâchés vers l'arrière, les épaules détendues.
Sur la photo associée à l'article, ma robe à la forme ample empêche de bien voir comment mon corps est placé, je mettrais une autre photo en temps voulu. La chaleur étant étouffante ce jour, une autre tenue n'aurait pas été envisageable.
La petite bosse qu'on aperçoit sur mon ventre n'est certainement pas dû à un "baby-bump" ( la blague ! ) ou au fait que mon ventre soit relâché, mais bien plus probablement à un estomac bien rempli et une vessie pleine. Après je dois dire que quand on porte une robe, la gamme de postures à réaliser devant l'objectif est un peu limitée, à moins de découvrir des parties de son corps que l'on a pas vraiment envie d'exposer sur l'Internet.
Voilà, c'était l'instant vis-ma-vie-de-prof-de-yoga qui essaie de trouver les occasions de prendre des photos cool de postures pour ses articles, qui harcèle (un peu) son mec dans la foulée, qui du même coup est spontanéo-à l'arrache, mais qui n'espère pas devenir une star du yoga blogging non plus - donc ça se tient tout ça.
Et après cet aparté, c'est le bon moment pour moi de vous dire en conclusion que peu importe ce que le corps arrivera à faire, l'important est d'apprendre à s'accepter et à s'assumer sur le chemin.
Bonne pratique à vous,
OM
Camille